Minia Biabiany : Habiter les centres multiples d’un territoire qui foisonne

Published in  Trouble dans les collections
Editor Lotte Arndt
Contributors
Annette Arkeketa
Lotte Arndt
Jimmy W. Arterberry
Ariella Aïsha Azoulay
Filip de Boeck
Lucrezia Cippitelli
Collectif Picha
Sybil Coovi Handemagnon
Clelia Coussonnet
David Dibosa
Noémie Etienne
Anaïs Farine
Florian Fisher
Mega Mingiedi Tunga
Hélène Tello

« Ce numéro participe d’une recherche en cours (Arndt, à paraître) dont les hypothèses sont ici mises en résonance avec des travaux et des œuvres interrogeant des questions voisines. A partir des collections constituées en contexte colonial, la toxicité est envisagée dans une double perspective. D’une part, elle désigne les conséquences matérielles, politiques et épistémologiques engendrées par certaines méthodes de conservation dans les musées occidentaux, appliquées par la suite dans de nombreux musées du monde. Ces pratiques, qui ont rendus toxiques certains des objets dans les collections (Odegaard/Sandogei 2005), sont ensuite interrogées dans le contexte de la promesse moderne d’un progrès sans fin, d’une vie sans limite, d’une productivité sans bornes, imposée comme horizon unique par les politiques coloniales puis par le capitalisme mondialisé (Ohman Nielsen 2015, Vergès 2017, Alampi 2019). […]

C’est par une ouverture sur les luttes sociales et écologiques dans les Caraïbes que se poursuit le numéro [avec l’essai Habiter les centres multiples d’un territoire qui foisonne : Ancrages et savoirs dans la pratique de Minia Biabiany]. La curatrice Clelia Coussonnet discute la pratique transformatrice de l’artiste Minia Biabiany. Elle décrit la convocation des traumatismes physiques et psychiques dans les œuvres de l’artiste, ainsi que la porosité et la fragilité des corps. Elle revient sur la résistance à la contamination par les pesticides (spécifiquement le chlordécone) transmise depuis le marronnage au travers des générations. L’autrice argumente que la contamination – pas uniquement par les substances chimiques mais aussi par le racisme et les politiques coloniales – est contrée dans les œuvres de et ateliers menés par Biabiany, par des gestes et des mots, pour faire émerger dans les interstices, des potentiels de soin et d’attention contribuant à faire émerger des co-habitations de vies fragiles et interdépendantes. »

– Lotte Arndt

Minia Biabiany : Habiter les centres multiples d’un territoire qui foisonne

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Editor Lotte Arndt
Contributors
Annette Arkeketa
Lotte Arndt
Jimmy W. Arterberry
Ariella Aïsha Azoulay
Filip de Boeck
Lucrezia Cippitelli
Collectif Picha
Sybil Coovi Handemagnon
Clelia Coussonnet
David Dibosa
Noémie Etienne
Anaïs Farine
Florian Fisher
Mega Mingiedi Tunga
Hélène Tello

« Ce numéro participe d’une recherche en cours (Arndt, à paraître) dont les hypothèses sont ici mises en résonance avec des travaux et des œuvres interrogeant des questions voisines. A partir des collections constituées en contexte colonial, la toxicité est envisagée dans une double perspective. D’une part, elle désigne les conséquences matérielles, politiques et épistémologiques engendrées par certaines méthodes de conservation dans les musées occidentaux, appliquées par la suite dans de nombreux musées du monde. Ces pratiques, qui ont rendus toxiques certains des objets dans les collections (Odegaard/Sandogei 2005), sont ensuite interrogées dans le contexte de la promesse moderne d’un progrès sans fin, d’une vie sans limite, d’une productivité sans bornes, imposée comme horizon unique par les politiques coloniales puis par le capitalisme mondialisé (Ohman Nielsen 2015, Vergès 2017, Alampi 2019). […]

C’est par une ouverture sur les luttes sociales et écologiques dans les Caraïbes que se poursuit le numéro [avec l’essai Habiter les centres multiples d’un territoire qui foisonne : Ancrages et savoirs dans la pratique de Minia Biabiany]. La curatrice Clelia Coussonnet discute la pratique transformatrice de l’artiste Minia Biabiany. Elle décrit la convocation des traumatismes physiques et psychiques dans les œuvres de l’artiste, ainsi que la porosité et la fragilité des corps. Elle revient sur la résistance à la contamination par les pesticides (spécifiquement le chlordécone) transmise depuis le marronnage au travers des générations. L’autrice argumente que la contamination – pas uniquement par les substances chimiques mais aussi par le racisme et les politiques coloniales – est contrée dans les œuvres de et ateliers menés par Biabiany, par des gestes et des mots, pour faire émerger dans les interstices, des potentiels de soin et d’attention contribuant à faire émerger des co-habitations de vies fragiles et interdépendantes. »

– Lotte Arndt

‘En Guadeloupe et en Martinique, la présence coloniale, installée, poursuit son travail d’assimilation. L’écocide et la crise sanitaire majeure engendrés par le recours au chlordécone entre 1972 et 1993, alors commercialisé comme Kepone et Curlone, s’inscrivent dans le continuum de l’histoire coloniale française, entre déni, indifférence et banalisation. Ce pesticide utilisé contre le charançon du bananier a contaminé 6500 ha de sols lessivé par les eaux de pluie, il ruisselle dans les rivières et la mer ; il favorise le développement de cancers et nuit à la fertilité de nombreuses personnes atteintes dans leur intimité.

Dispersé avec l’accord et le soutien du gouvernement français qui en connaissait les dangers, il fut interdit sur le sol américain dès 1975. Le chlordécone n’est par ailleurs qu’un des produits phytosanitaires toxiques répandus sur les cultures de Guadeloupe et de Martinique. Depuis l’éradication des populations Caraïbes, l’esclavage et l’économie plantationnaire à la monoculture, l’instauration d’une économie de dépendance et d’un racisme institutionnalisé, des couches de violence et de toxicité sédimentent insidieusement à travers les générations dans les mornes et les rivières, sur les feuilles et sous les peaux.’

‘En Guadeloupe et en Martinique, la présence coloniale, installée, poursuit son travail d’assimilation. L’écocide et la crise sanitaire majeure engendrés par le recours au chlordécone entre 1972 et 1993, alors commercialisé comme Kepone et Curlone, s’inscrivent dans le continuum de l’histoire coloniale française, entre déni, indifférence et banalisation. Ce pesticide utilisé contre le charançon du bananier a contaminé 6500 ha de sols lessivé par les eaux de pluie, il ruisselle dans les rivières et la mer ; il favorise le développement de cancers et nuit à la fertilité de nombreuses personnes atteintes dans leur intimité. Dispersé avec l’accord et le soutien du gouvernement français qui en connaissait les dangers, il fut interdit sur le sol américain dès 1975. Le chlordécone n’est par ailleurs qu’un des produits phytosanitaires toxiques répandus sur les cultures de Guadeloupe et de Martinique.

Depuis l’éradication des populations Caraïbes, l’esclavage et l’économie plantationnaire à la monoculture, l’instauration d’une économie de dépendance et d’un racisme institutionnalisé, des couches de violence et de toxicité sédimentent insidieusement à travers les générations dans les mornes et les rivières, sur les feuilles et sous les peaux.’

Blue Spelling, a change of perspective is a change of temporality (2016) fourmille de trajectoires, d’associations, de mouvements, les connaissances naviguent dans l’opacité, en filigrane, avant de poindre. Qui vivra verra, qui mourra saura (CRAC Alsace, Altkirch, France, 2019) s’immisce dans le jardin créole et contemple les plantes aux propriétés médicinales et magico-religieuses qui y sont cultivées. L’installation s’intéresse à l’invisible, à ce qui est caché, aux forces et énergies en présence dans le jardin de la case structuré spatialement en réponse aux pouvoirs des plantes.

Tout ce qui fait monde est potentiellement savoir. Chaque voix a son importance et est valable. L’humain, remis dans une position moins dominatrice sur les autres éléments, peut agir en invité, non en conquérant à qui tout serait dû.’

 

— Quotes by Clelia Coussonnet, Habiter les centres multiples d’un territoire qui foisonne, 2021

Info

Online magazine
Volume 2
September 2021, Bilingual (English/French)

READ

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Blue Spelling, a change of perspective is a change of temporality (2016) fourmille de trajectoires, d’associations, de mouvements, les connaissances naviguent dans l’opacité, en filigrane, avant de poindre. Qui vivra verra, qui mourra saura (CRAC Alsace, Altkirch, France, 2019) s’immisce dans le jardin créole et contemple les plantes aux propriétés médicinales et magico-religieuses qui y sont cultivées. L’installation s’intéresse à l’invisible, à ce qui est caché, aux forces et énergies en présence dans le jardin de la case structuré spatialement en réponse aux pouvoirs des plantes. Tout ce qui fait monde est potentiellement savoir. Chaque voix a son importance et est valable. L’humain, remis dans une position moins dominatrice sur les autres éléments, peut agir en invité, non en conquérant à qui tout serait dû.’

 

— Quotes by Clelia Coussonnet, Habiter les centres multiples d’un territoire qui foisonne, 2021

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